Pour terminer le mois d'avril en beauté, l'équipe de The Audiencers s'est rendue à Vienne pour le "Digital Media Europe", événement organisé par l'association d'éditeurs WAN-IFRA. Sur scène, une grande variété d'experts de l'information en ligne, venus partager leurs derniers projets, succès, apprentissages. De l'engagement des jeunes publics à la fidélisation des abonnés, en passant par les défis et les opportunités de l'IA, ces deux jours ont été riches en sujets passionnants ! Nous avons retenu 4 présentations particulières, dont vous retrouverez un résumé ici.
« La Gen Z s’intéresse à l’actualité, mais il faut lui présenter là où elle se trouve » – LADbible Group sur l’engagement des jeunes publics
On prétend que les jeunes n’aiment pas l’information. En fait, c’est le cas. C’est peut-être simplement qu’ils n’aiment pas la manière dont vous la leur présentez. Ou bien ils ne partagent pas la même opinion traditionnelle que vous sur ce qu’est l’information…
Ce n’est pas parce que ce n’est pas ce que vous trouveriez en première page d’un journal traditionnel que ce n’est pas de l’information. Il faut aller chercher son public là où il se trouve…
Simon Binns, Managing Editor chez LADbible Group
Simon Binns, Managing Editor de LADBible, a partagé quelques conseils pour réussir :
- Employer des jeunes : les natifs des réseaux sociaux verront les tendances en premier, ils vivent dans et avec les réseaux sociaux, ne font pas qu’y travailler.
J’ai une fille de 16 ans et un fils de 11 ans. J’en apprends plus sur la façon dont les jeunes consomment du contenu au quotidien en les observant qu’en lisant toutes les études qui sont tombées dans ma boîte de réception au cours des dix dernières années.
- Se concentrer sur la communauté et les personnes qui font l’histoire
Nous restons à l’écoute du public. Nous nous intéressons aux mêmes choses qu’eux. Nous reflétons leurs propres expériences. Et nous participons à une grande conversation au lieu de nous contenter de leur dire ce qu’ils doivent penser. Nous faisons partie de leur routine quotidienne, et nous espérons qu’elle est bonne.
- Soyez là où se trouve votre public, qui passe probablement le plus clair de son temps en ligne sur les médias sociaux, notamment sur TikTok.
Tobias Henning, directeur général de TikTok Allemagne et Europe centrale et orientale, a appuyé ce point en partageant cinq bonnes pratiques pour les éditeurs qui souhaitent se lancer sur cette plateforme sociale :
- Impliquez les natifs de TikTok – engagez des personnes qui sont sur la plateforme tous les jours pour se divertir, ce sont eux les vrais experts.
2. Formez des collaborations entre les créateurs et les journalistes afin de tirer parti de leur expertise et de bénéficier de leur public.
3. Ne recyclez pas vos vidéos sur d’autres plateformes ! Simon Binns a expliqué qu’il est désormais le premier éditeur sur TikTok, et qu’il y est parvenu en adaptant ses activités à chaque plateforme. Par exemple, les vidéos publiées sur TikTok ne sont pas les mêmes que celles publiées sur Facebook ou Instagram. Il s’agit d’un public différent et l’histoire doit donc le refléter, un peu comme s’il y avait quatre journaux distincts pour quatre publics différents.
- Grâce à l’algorithme de TikTok, c’est le contenu qui compte, pas le nombre de followers – la plateforme pourra pousser votre contenu même si vous n’avez qu’un seul follower.
- Soyez authentique ! Du contenu personnalisé à votre ton, votre histoire, votre ADN, est ce qui doit vous distinguer
Retrouvez le programme et les photos de WAN-IFRA Digital Media Europe 2023 sur leur site web. Si vous avez assisté à l'événement, vous pouvez télécharger les slides des présentations grâce au code qui vous a été envoyé par e-mail.
Garder les abonnés après les premières 24h : ce que Die Zeit fait pour fidéliser les abonnés en période d’essai
À l’instar de nombreux éditeurs, l’éditeur allemand Die Zeit, qui a connu une forte augmentation du nombre d’abonnements numériques depuis la pandémie, a dû relever le défi de convertir les utilisateurs de sa version d’essai gratuite en abonnés payants et de les fidéliser sur le long terme.
Qu’ont-ils fait ?
- D’abord, développer une culture d’experimentation : des A/B tests tournent en permanences pour comparer différents designs, wordings et scénarios de conversion
Par exemple, Die Zeit a optimisé sa bannière de bas de page pour promouvoir les abonnements, ce qui a permis d’augmenter les taux de conversion à l’offre d’essai de 23 %.
Evidemment, trouver le bon équilibre entre un paywall très visible et la possibilité pour les lecteurs de s’engager dans le contenu avant d’être bloqués n’est pas une évidence. Cet aspect est particulièrement important sur les smartphones en raison de la taille réduite de l’écran. Par exemple, leur équipe a testé de placer le paywall après 7 lignes de texte au lieu de 3, ce qui a conduit à une augmentation de 5 % des conversions à l’offre d’essai.
- De nombreuses études ont montré que le fait d’utiliser l’app mobile augmente de manière significative l’engagement et la fidélisation des lecteurs, c’est pourquoi Die Zeit a déployé beaucoup d’énergie pour encourager les abonnés en offre d’essai à télécharger l’application, en particulier pendant la période d’onboarding.
Notre application ZEIT ONLINE est un puissant moteur d’engagement et de fidélisation. C’est pourquoi nous n’essayons pas seulement de convertir davantage d’abonnés à l’application, mais nous l’avons également entièrement repensée. Nous avons ancré une section réservée aux abonnés dans notre nouvelle application (Z+) afin de mieux orienter nos nouveaux abonnés. Cette nouvelle zone comprend tous les articles, jeux et sections réservés aux abonnés.”
Christian Roepke, CDO du groupe
- Les études de Die Zeit ont également révélé une forte baisse de l’engagement après le premier jour d’abonnement.
Afin de trouver les raisons de cette baisse d’engagement après le premier jour, nous avons entamé une phase intensive de recherche sur les utilisateurs et découvert un problème clé dans notre processus d’accueil : la plupart des abonnés sont très motivés pour explorer leur abonnement dès le premier jour. Cependant, le nombre élevé d’articles et d’options les submerge, ce qui provoque une forte frustration. »
Objectif : « Nous voulions mieux exploiter le fort taux d’engagement lors de la première journée d’abonnement et mieux guider les nouveaux abonnés. L’objectif est d’éviter que l’engagement ne diminue après le premier jour d’abonnement et d’encourager les abonnés à conserver leur abonnement même après la fin de la phase d’essai. »
Solution : Lancement d’un projet interne baptisé « First subscription day »
Die Zeit a alors mis en place une expérience personnalisée dès le premier jour, en envoyant une suite d’e-mails d’onboarding, ainsi qu’en publiant une page « 5 conseils pour bien démarrer votre abonnement », promu dans la barre de bas de page du premier article auquel l’abonné accède.
Du contenu local de qualité qui séduit les lecteurs. Comment The Mill est devenu rentable avec ses 4350 abonnés à ses 3 newsletters d’info locale
The Mill, c’est du journalisme de qualité et des informations locales utiles diffusées dans une newsletter, « pour les personnes qui veulent lire des informations locales sans publicités intempestives ni titres trompeurs du type ‘clickbait' ». Le fondateur Joshi Herrmann a présenté les raisons qui l’ont poussé à lancer trois lettres d’information et l’importance de la communauté pour le journalisme local.
Le problème : les lecteurs ont rapidement perdu le lien avec les médias locaux de qualité. Soit parce que les titres régionaux à grand tirage ont été fermés et les salles de rédaction restantes vidées de leur substance, soit parce que l’offre éditoriale, UX et technique n’est pas au rendez-vous.
L’idée : un journalisme local de qualité grâce à des newsletters financées majoritairement par l’abonnement, qui mettent l’accent sur la qualité de l’écriture et des reportages fouillés
L’accent est mis sur la différenciation – tout ce qu’ils publient doit être quelque chose que l’on ne peut pas trouver ailleurs. Les volumes d’articles produits sont faibles, ce qui permet de maintenir un niveau de qualité très élevé.
Le parcours de l’utilisateur et le modèle de monétisation sont simples, mais efficaces, et l’accent est mis sur la qualité de l’information :
- Les utilisateurs s’inscrivent à la liste de diffusion gratuite par le biais d’une recherche organique ou en cliquant sur des publicités dans les médias sociaux.
- 5 % de ces lecteurs se convertissent en abonnés payants dans les 3 mois, soit 7 % au total.
- Le reste de l’audience est monétisé par des publicités qui sont réduites au minimum mais dont les emplacements peuvent être vendus à un prix élevé grâce à un lectorat très ciblé.
- Les abonnés payants reçoivent 4 newsletters par semaine, tandis que les lecteurs gratuits en reçoivent 2.
Et jusqu’à présent, c’est un vrai succès…
- The Mill à Manchester est désormais rentable avec 2 100 abonnés payant 70 £ par an et une équipe de 3 personnes à temps plein + des rédacteurs à temps partiel et indépendants.
- Les trois lettres d’information diffusées dans trois villes du Royaume-Uni comptent au total 4 350 abonnés payants.
Les 3 types de newsletters du New York Times et la définition d’une newsletter réservée aux abonnés.
Il existe 3 types de newsletters au New York Times :
- Newsletters gratuites de briefing -> permet de présenter le contenu du Times aux lecteurs et d’aider à former des habitudes de lecture
🎯 KPI de ce type de newsletter : récurrence de visite sur l’offre au global (news + Cooking + jeux + autres titres)
La newsletter “The Morning” est la plus importante de ce type. Envoyée tous les matins, elle présente aux lecteurs un large éventail de contenus
- Newsletters automatiques ou semi-automatiques -> pour faire revenir les lecteurs
🎯 KPI de ce type de newsletter : Weekly Active Users sur le site
Pour les super fans de certaines chroniques ou certains auteurs. Il s’agit également d’une large liste de personnes pouvant être contactées par e-mail dans le but de les faire revenir sur le site et de les inscrire à une newsletter régulière.
- Newsletters réservées aux abonnés -> pour fidéliser les abonnés existants
🎯 KPI de ce type de newsletter : rétention
Il s’agit d’un sous-ensemble de newsletters pour augmenter la valeur pour les abonnés… et les garder plus longtemps.
Qu’est-ce qui définit une newsletter réservée aux abonnés ?
- La newsletter doit aller au-delà de la curation journalistique et apporter une nouvelle valeur ajoutée accessible directement dans la boîte de réception, le fait de cliquer sur les liens étant secondaire.
- Chaque newsletter doit aider le lecteur à approfondir une niche spécifique ou à se rapprocher d’une voix éditoriale forte.
- La communauté est essentielle. Les rédacteurs de ces newsletters doivent s’efforcer de favoriser les conversations avec leurs lecteurs.
Le portefeuille de newsletters réservées aux abonnés a été divisé en plusieurs catégories, pour offrir une valeur différente à différents types d’abonnés :
- Reportage et expertise : Aider les lecteurs à approfondir des domaines tels que la technologie, les sondages politiques et les élections, les événements mondiaux et la crise climatique.
- Conseil et recommandations : Très « pratico-pratiques », ces newsletters cherchent à orienter les lecteurs vers le prochain livre à lire ou la prochaine émission à regarder. Elles proposent des conseils d’experts, du bien-être, des recommandations de restaurants, de musique à écouter…
- Opinions : Les rédacteurs de la section Opinion traitent de sujets de niche tels que le rôle de la langue dans la politique, l’économie, la foi dans la société actuelle, l’éducation des enfants, l’avenir de la planète et bien plus encore…
Les abonnés qui reçoivent au moins une newsletter réservée aux abonnés ont une meilleure rétention que ceux qui reçoivent nos newsletters gratuites.
Paige Collins, Senior Product Manager au New York Times
Que pouvons-nous retenir pour de plus petites échelles ?
- Il est important de construire une relation de confiance entre le produit et la rédaction – les idées commerciales combinées à l’instinct rédactionnel fonctionnent.
- Il faut tirer les leçons des petits tests et ne pas avoir peur de faire évoluer l’approche – notamment d’être prêt à stopper un projet s’il n’en vaut pas la peine (par exemple, le New York Times avait un temps lancé des newsletters en x épisodes, à la façon d’une mini-série. Mais le temps de la faire connaître et de construire la base abonnés, la série était déjà finie ! Ils ont donc stoppé ce type d’initiatives).
- Garder les besoins du lecteur au centre des préoccupations – quel rôle le journalisme que nous lui proposons jouera-t-il dans sa vie ?
Un grand merci à Valérie Arnould et toute l'équipe de WAN-IFRA pour cet événement si inspirant ! Nous reviendrons l'année prochaine...