Dans le cadre d'une réorganisation du département Marketing du New York Times, Perrine Pavageau a pris le rôle de “Program Manager”, un rôle à la croisée de la vision stratégique et de l’exécution (lire notre article ici). Son principal objectif : mettre en place des mécanismes opérationnels pour assurer le succès des stratégies marketing. On peut identifier le Program Management à la fonction d’un PMO (Project Management Officer), vu plus fréquemment dans des Directions Produit ou Tech, qui apporte aux équipes les méthodes et outils qui leur permettront de réaliser leurs objectifs. Un PMO peut aussi gérer ses propres projets, dont les acteurs ont souvent des objectifs très différents les uns des autres. Une fonction qui répond aux questions “comment on fait ?”. Un interlocuteur vers lequel les équipes peuvent se tourner pour exprimer leurs challenges organisationnels. Dans cette série d’articles, Perrine raconte 5 projets concrets qu'elle a menés dans cette fonction pour le New York Times.
Au moment où le New York Times revisitait sa stratégie de paywall, une équipe spécialisée en stratégie média a été créée en interne – expertise complètement externalisée avant. Pourquoi cette décision ?
- D’abord le coût. Travailler seulement avec des agences pouvait limiter le travail aux “scopes”. La stratégie du New York Times étant en pleine reformation à ce moment-là, une plus grande flexibilité devenait nécessaire. Comme le dit Janis Huang, VP Subscription Growth, “Travailler avec une agence nécessite un travail de transmission de notre stratégie. Nous étions en pleine redéfinition de la nôtre.”
- Aussi, la volonté de repenser les campagnes marketing pour le New York Times, principalement faites de bannières et d’emails. Selon Janis, à la question “A quoi doit ressembler le Marketing du New York Times aux yeux du monde ?”, la réponse était : donner plus de vie aux campagnes, pour un impact émotionnel plus fort. Cela pouvait se faire avec des nouveaux supports comme l’audio, la radio, la télé ou l’outdoor.
- Enfin, la volonté de mesurer l’impact “brand affinity” de ces nouveaux formats sur des attributs de marque précis.
Le New York Times est donc passé sur un modèle hybride. Des experts en média digital et traditionnel ont été recrutés pour rejoindre une équipe nommée “Marketing & Media Strategy”. Il s’agissait de profils seniors, car le New York Times n’avait pas les connaissances pour les former. Tout en faisant toujours appel à des agences, notamment pour les campagnes de marques ou des expertises spécifiques.
Mon premier projet en tant que Program Manager a été de revoir les processus d’exécution des campagnes pour intégrer le travail de l’équipe média. Cela s’est appelé “Interaction model”. Un terme nouveau, qui est apparu dans le langage quotidien.
Un Interaction Model est un cadre de travail qui définit les rôles et responsabilités de chaque équipe, renforce la collaboration, apporte transparence et alignement. Pour le New York Times, les objectifs étaient :
- Minimiser la disruption suite à la réorganisation
- Apporter une structure commune et comprise par tous
- Améliorer la visibilité tout au long des projets
- Installer une collaboration structurée et positive
- Réduire les risques opérationnels.
Un peu comme un consultant interne, je suis passée par les étapes suivantes :
- Ecoute des processus existants et challenges de chacun
- Définition d’un framework comprenant les phases, rôles, interactions et livrables
- Obtention de la validation des équipes et du management
- Intégration du framework dans les templates de l’outil de gestion de projet
- Communication et “évangélisation” du framework pour assurer son adoption.
Voici à quoi cela ressemblait :
Un framework high-level pour le planning mensuel, trimestriel ou annuel. L’objectif : que les équipes anticipent ensemble, et soient alignées sur les priorités et les ressources nécessaires.
Un framework de campagne end-to-end avec les étapes et interactions, résumées ici :
Voici les points qui ont vraiment eu de l’impact selon moi :
- Nommer des phases clairement pour tout le monde – comme dans la méthode agile. Ça n’a l’air de rien, mais ça aide. Quand je disais au management “nous avons un point bloquant dans la phase “media build”, ils voyaient de quoi je parlais.
- Une phase “officielle” de kickoff suivie d’un brief pour les équipes créatives et média. Cela évitait les projets lancés sur une demande impromptue. Et tout le monde était briefé de la même manière.
- Les “Creative & Media checkins”, pour que les équipes créa et les media planneurs travaillent ensemble, comme en agence. Imaginez : l’équipe créa part sur un concept à base d’illustration, mais l’équipe média finit par recommander de l’audio. Il faut que ces équipes communiquent en amont pour avoir le temps de se retourner.
- Le partage des résultats avec les équipes créatives, afin de leur faire comprendre ce qui a fonctionné ou non. Grâce à cela, les créatifs ont commencé à acquérir un langage business et une meilleure compréhension des enjeux.
Le challenge était de faire adopter ce framework. Il a vite fallu faire des versions spécifiques pour différents types de campagnes ou lignes de business. Les 3 semaines de Concept & Planning n’ont pas toujours été possibles avec une pression montante sur la cadence des promotions. Et tous les projets n’avaient pas besoin de plan média innovant. A l’inverse, les Brand Campaigns avaient une phase Concept & Planning bien plus longue.
Pour moi, voici ce qui a permis de maintenir ces modèles d’interaction :
- L’appui du management
- La fonction de Program Management qui était garante de leur adoption
- Les stand-ups quotidiens avec les équipes projets. Ils permettaient de discuter du statut sur chaque phase, des points bloquants et des dépendances.
Aujourd’hui, les équipes se reposent toujours sur un système d’Interaction Models, qui ont bien sûr évolué au fil du temps, constamment remis en cause en fonction des changements structurels et des objectifs de l’entreprise.
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