Sans doute le média le plus connu pour sa stratégie d’abonnement numérique, le New York Times ne se présente plus. Nous nous penchons aujourd’hui sur son modèle de wall dynamique, sa méthode de blocage et tout ce que vous pouvez en retirer pour votre propre stratégie.
En bref : - Le NYT a mis au point un modèle dynamique “metered” qui permet à la fois d’augmenter l'engagement et la conversion vers l’abonnement. - La création d’un compte gratuit grâce à un registration wall, c’est-à-dire une étape de conversion douce, et la multiplication des leviers de création de valeur figurent parmi les stratégies que vous pouvez appliquer à votre propre modèle numérique.
Au départ…
“5 raisons pour lesquelles le paywall du New York Times sera un échec (et pourquoi c’est débile)”
“Le paywall du New York Times est voué à l’échec”
Cependant, quelle que soit l’opinion publique sur la question, la réalité était là : le New York Times était confronté à une crise. Les recettes publicitaires étaient en chute libre, les revenus de la presse écrite au plus bas. La presse souffrait de l’apogée d’internet et des contenus en ligne : il était temps de procéder à une transformation numérique en priorisant les abonnements.
Pour ce faire, le New York Times a commencé par utiliser une stratégie metered permettant aux lecteurs d’accéder à un quota de 20 articles gratuits par mois avant d’être bloqués par un paywall. L’idée est alors de maintenir le trafic des visiteurs occasionnels, tandis que les lecteurs plus engagés atteignent la limite d’articles et sont encouragés à s’abonner.
C’est l’intérêt d’un modèle de metered paywall : vous laissez aux utilisateurs la possibilité de découvrir votre contenu et d’être engagé avant de présenter le paywall, ce qui permet de trouver un équilibre entre frustration et engagement.
Les temps ont bien changé pour le New York Times…
Après avoir racheté The Athletic, le New York Times a atteint son objectif de 10 millions d’abonnés pour 2025 avec quelques années d’avance, en février 2022, et s’est fixé un nouvel objectif de 15 millions d’abonnés pour 2027.
La question est alors de savoir comment.
Comment le NYT est-il passé d’une stratégie « vouée à l’échec » à un modèle premium réussi avec plus de 10 millions d’abonnés ?
Selon Rohit Supekar, data analyst au NYT, cette réussite peut être expliquée par deux raisons principales :
- L’amélioration, le développement et les tests continus de leur stratégie premium au fil des ans.
- Mais, surtout, le changement de modèle de l’éditeur : d’une approche unique, non-ciblée, à un modèle dynamique “metered”, basé sur les données utilisateurs. C’est-à-dire que le paywall du New York Times personnalise le nombre d’articles gratuits en fonction du lecteur.
Modèle dynamique ‘metered’, soit le nombre d’articles gratuits du New York Times
Le tunnel d’engagement vers l’abonnement est composé de 3 étapes :
- Des utilisateurs anonymes et non inscrits arrivent sur le site et se voient présenter un nombre X d’articles gratuits.
- Après avoir atteint cette limite, l’utilisateur est bloqué par un registration wall et invité à créer un compte gratuit en échange de l’accès à des articles supplémentaires.
- Grâce à l’inscription, l’activité de l’utilisateur est désormais liée à son identifiant lecteur personnalisé, ce qui permet au NYT de collecter ses données et ainsi de mieux comprendre l’engagement de l’utilisateur en question. En fonction de cet engagement, le modèle dynamique propose un nombre X d’articles gratuits avant de présenter le paywall (X étant un nombre déterminé de manière optimale en fonction du niveau d’engagement de l’utilisateur inscrit).
Comment fonctionne ce modèle dynamique ?
Cette stratégie de paywall dynamique a été optimisée pour deux paramètres :
- L’engagement des lecteurs
- Le nombre d’abonnements générés par le paywall
Comme pour toute stratégie de conversion, il s’agit d’équilibrer la frustration et l’engagement.
Si vous augmentez le nombre d’articles gratuits, vos utilisateurs seront plus engagés. Cependant, un plus petit nombre de lecteurs atteindront le paywall et seront suffisamment frustrés pour convertir.
À l’inverse, si vous donnez trop peu d’articles gratuits, vous aurez peut-être plus de membres inscrits exposés au paywall, mais ces utilisateurs n’auront pas été suffisamment engagés pour vouloir convertir, c’est-à-dire qu’il y aura trop de frustration.
Pour trouver le bon équilibre entre frustration et engagement, le modèle définit le nombre d’articles accessibles à partir d’un ensemble d’options, en tenant compte de la propension de l’utilisateur à s’abonner et de son niveau d’engagement.
Qu’est-ce qu’on peut retirer du modèle de paywall dynamique du New York Times ?
Vous ne disposez pas des mêmes moyens que le NYT et développer un modèle de wall dynamique en interne n’est pas accessible pour vous. Certes. Il n’empêche que vous pouvez vous inspirer de certaines stratégies du NYT qui ne demandent pas autant de moyens et c’est de celles-ci dont nous voulons vous parler.
1. La création d’un compte gratuit grâce à un registration wall comme étape de conversion douce
Selon le rapport annuel 2022 du New York Times, grâce à l’inscription (création d’un compte gratuit), leurs taux de conversion ont augmenté de plus de 40 %.
Le NYT n’est pas le seul éditeur à avoir recours à une stratégie de registration wall : de nombreux éditeurs demandent à leurs utilisateurs de créer un compte gratuit avant de payer car cette stratégie fonctionne.
Prenons, par exemple, les données provenant de deux clients de la plateforme de conversion Poool : elles montrent une immense augmentation des taux de conversion pour les membres ayant créé un compte gratuit comparé aux visiteurs anonymes.
Les éditeurs en question (exemples A et B) ont segmenté leur audience en fonction du niveau d’engagement pour construire des parcours de conversion adaptés.
Et, pour mieux comprendre, voici un autre exemple de segmentation d’audience à l’œuvre : Paris Match présente aux utilisateurs moins engagés un registration wall pour les aider à découvrir davantage de contenu et collecter des données sur le comportement des utilisateurs. En revanche, pour les lecteurs « fans », qui sont beaucoup plus engagés, Paris Match bloque le contenu par un paywall, leur demandant de s’abonner.
Comment tirer pleinement parti de l’inscription : le NYT ne se contente pas d’inscrire ses utilisateurs, mais les guide également à travers un parcours d’accueil, un onboarding, pour accroître l’engagement, en encourageant par exemple l’inscription à la newsletter et le téléchargement d’applications, comme il le ferait avec de nouveaux abonnés.
2. Développez plusieurs leviers de création de valeur
Comparé aux autres modèles économiques, le modèle d’abonnement apporte le plus de valeur à votre entreprise, mais cela ne doit pas vous empêcher de diversifier vos sources de revenus afin d’augmenter progressivement la monétisation de la durée de vie des clients, comme le fait le NYT.
Utilisateurs anonymes : pour les lecteurs qui arrivent sur votre site (ou n’ont pas encore créé un compte), vous pouvez d’abord vous assurer qu’ils acceptent les cookies, puis monétiser votre contenu grâce à la publicité.
Membres inscrits : les utilisateurs renforcent à la fois vos revenus générés par l’abonnement car, en étant engagés, ils se rapprochent de l’abonnement (et leur ARPU augmente) et les revenus publicitaires grâce aux données de first-party collectées.
Abonnés à un seul produit : la source de revenus récurrente et prévisible générée par les abonnements de vos abonnés est évidemment celle qui vous apporte le plus de valeur. C’est pourquoi vous devez notamment réduire le taux de désabonnement afin de maximiser la valeur de la durée de vie des clients.
Abonnés à des offres groupées et à des produits multiples : (accès complet à deux produits numériques ou plus) avec les offres groupées, les éditeurs peuvent augmenter les taux de conversion et de fidélisation en offrant une plus grande variété de valeur aux lecteurs.
3. Le contournement de votre paywall n’est pas si grave
Le New York Times utilise une méthode de blocage front du paywall : il n’est donc pas très difficile de contourner son wall. Alors, pourquoi un éditeur de l’envergure du NYT ne rend-il pas le contournement de son wall plus ardu ?
Réponse simple : l’enjeu majeur n’est pas le contournement. Or, les méthodes de blocage front présentent beaucoup moins de risques pour les performances SEO, car tout le contenu est envoyé sur la page, que l’utilisateur y ait accès ou non.
Front / côté utilisateur | Côté serveur |
Facile à intégrer et facile à modifier | Plus technique à intégrer |
Facile à contourner | Plus sécurisé et plus difficile à contourner |
Moins de risques pour le SEO | Plus de risques pour le SEO |
Javascript peut générer des conflits avec d’autres scripts ce qui n’est pas le cas avec du CSS | Une très bonne maîtrise du référencement et des données structurées peut réduire l’impact sur le SEO |
Meilleure expérience utilisateur | Le chargement peut être long |
La question qu’il faut se poser est de savoir si les visiteurs qui font l’effort de contourner votre paywall et qui disposent des connaissances techniques pour le faire, vont un jour payer pour s’abonner. S’il ne s’agit pas d’un futur abonné potentiel, l’utilisation d’une méthode de blocage plus stricte pour réduire les contournements ne vaut sans doute pas la peine, si elle se fait au prix du référencement SEO. Concentrez-vous plutôt sur les segments d’utilisateurs les plus engagés et qui, eux, sont susceptibles de s’abonner en améliorant, par exemple, leur expérience utilisateur.
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