Piloter une marque média : le casse tête en court et long terme

Elodie Mandel Elodie Mandel

Elodie Mandel est patronne du pôle féminin d’Unify. Elle dirige les équipes de Auféminin.com, Beauté Test et Paroles de maman.

Temps court, temps long : comment piloter une marque dans un contexte instable ? Incertitude sur le direct media ? Programmatique chamboulée par les cookies tiers ? Etablir une stratégie éditoriale “rentable” rapidement et qui positionne une marque, imaginer le futur et chercher de nouvelles sources de revenus, penser une organisation agile… Piloter une marque c’est à la fois piloter le quotidien et projeter son média pour les années à venir. Faire son plan à trois ans c’est lever le nez du guidon et penser l’avenir de sa marque. De quoi faire quelques nuits blanches…

Stratégie de marque : l’enjeu des contenus

Le 1er casse tête que je souhaitais évoquer ici : celui des contenus. Les contenus chauds pour Google news ou Discover mais aussi les contenus dits froids ou evergreen. Deux types de contenus indispensables pour une marque, deux manières de produire très différentes (en terme de calibrage, de comment produire, interne ou externe ?), deux types de rentabilité. Le 1er type a une durée de vie relativement courte, et en cas de succès peut réaliser des pics d’audience…

Les contenus froids ce sont un peu comme le socle d’une maison, les fondations, une base de contenus qui assoit la puissance d’un site web. Des audiences plus faibles, mais régulières et qui dans la durée constituent un matelas d’audience douillet et confortable.

Là où un site d’actu doit chaque matin commencer d’une page quasi blanche et aller chercher ses utilisateurs, un site plus froid peut compter sur une régularité sécurisante et ainsi une plus grande stabilité dans Mediametrie.

Une stratégie d’audience double face

J’ai tendance à dire qu’une stratégie d’audience efficace repose sur ses deux jambes : le chaud et le froid. Ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier (tout comme ne pas dépendre d’une seule source d’audience) au risque de s’en mordre les doigts lors d’un changement d’algorithme de Google ou de Facebook. On connaît suffisamment d’exemples de success stories du digital qui ont sombré à être trop dépendants des GAFA…

A mon sens, un calendrier éditorial équilibré prévoit une production de contenus (articles, diaporamas, vidéos, chroniques, dossiers longs) qui doivent répondre à ce double objectif. Le pourcentage du chaud et du froid dépendant bien sûr des thématiques traitées. Difficile d’établir un pourcentage qui conviendrait à des sites aussi différents que Aufeminin et L’Équipe.

Piloter une marque : la question des revenus

La question du temps, on la retrouve aussi pour les revenus : “choisir” entre le court terme, une pression publicitaire agressive (parfois au détriment de l’UX et des audiences ) ou le temps long, l’engagement des utilisateurs ? Sachant qu’un utilisateur engagé rapporte beaucoup plus qu’un utilisateur occasionnel, la question est loin d’être secondaire. Ni simple à envisager : comment comparer un article de 2000 signes sur la mort d’Elizabeth II qui va ranker pendant 3 jours et un article de 8000 signes sur l’allaitement qui va perdurer des années ?

Pas facile de faire des choix tactiques et stratégiques à plus long terme quand le business est ralenti et que le budget n’est pas fait. Je ne prétends pas ici trouver les réponses, mais plutôt poser à poser haute voix les questions que je me pose. Et peut-être en discuter ensemble…

C’est peut-être un reliquat de mes lointaines études de philo, mais peut-on imaginer un dépassement de cette alternative : proposer aux utilisateurs les plus engagés, qui reviennent le plus souvent sur nos sites et consomment le plus de pages (nos chouchous en somme) une expérience utilisateus améliorée, et profiter pour leur proposer des services dédiés, des types de contenus exclusifs, un pack préférentiel ?

Quant aux opportunistes qui snackent les contenus, qui consomment 1 page vue et puis s’en vont, ceux souvent venus par sur nos sites par Google Discover une pression pub plus forte mais aussi des suggestions de contenus ad hoc qui pourraient peut-être les faire rester plus longtemps et ainsi améliorer le temps passé sur nos pages ?

3ème point : l’organisation

Ces dernières années, les équipes éditoriales ont beaucoup évolué dans leur manière de travailler avec l’essor du social media et de la vidéo. Au début pensée en dehors des équipes éditoriales, comme une entité à part… un peu à la façon des équipes print et des équipes web il y a 10 ans. Puis la maturité venant, cette nouvelle compétence s’est peu à peu infiltrée au sein des équipes. Désormais, l’ensemble des équipes édito d’Aufeminin participe au social media et à la vidéo. Une seule rédaction, des compétences et des expertises fortes au service d’un objectif commun : le développement du média et la création de valeur.

À propos de ressources humaines

C’est évidemment le coeur du réacteur d’une rédaction, sa valeur et aussi une bonne partie de ses coûts de fonctionnement. Un casse-tête on le disait : avoir les meilleurs professionnels à chaque poste, une équipe experte et pointue sur un marché qui évolue beaucoup. Dans le digital, les vérités d’aujourd’hui ne seront pas forcément les mêmes un an plus tard. Se remettre en question, se former, c’est un état d’esprit. C’est pour ça que je considère que la première qualité sur le web, c’est la curiosité.

Et puis ces dernières années, la façon de produire des contenus a changé : la plupart de gros sites produisent beaucoup plus de contenus qu’il y a 5 ans, beaucoup ont bâti des plans d’accélération ambitieux. Mais pour ceux qui en doutaient encore, produire plus ne suffit pas. J’ai tendance à dire que le travail commence quand l’article est publié : quand et comment le ré-optimiser, le mettre à jour ? Faut-il créer des postes de rédacteurs SEO, qui en tant que tel ne produisent pas d’articles mais font ce travail essentiel de suivre le ranking des articles ?

Enfin un dernier point complexe pour les sites issus de titres de presse de magazine et les pureplayers traditionnels : produire tôt le matin, le soir, les jours fériés. Les sites d’infos généralistes y sont habitués. Mais pour les pureplayers ou les sites qui ne sont pas adossés à un quotidien, l’enjeu est nouveau. Confier les manettes du site à des pigistes ou agences externes peut être tentant mais risqué. Comment éviter la sortie de route, le bad buzz ou plus simplement des contenus qui ne sont pas dans la ligne éditoriale, ou qui n’intéressent pas les audiences ? Pas simple non plus de garantir la même qualité de contenus de 6h le lundi à 0h00 le dimanche.

Mon obsession : que ce soit transparent pour le lecteur, qu’il ne voit pas la différence. Peu importe l’auteur de l’article, il doit être de qualité constante pour ne pas décevoir.

Un lecteur déçu c’est aussi un lecteur qui ne reviendra pas… et donc un mauvais pari à long terme pour la marque.


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