Derrière le lancement d’AlterEco sur TikTok : ambition, investissement et vision

Marie-Laure Gardaz a fait ses armes dans les stratégies réseaux sociaux et conception de campagnes de communication politique, puis a collaboré à plusieurs médias indépendants, comme le 1 ou Fakir. Elle est aujourd’hui Social Media Manager chez Alternatives Economiques.

Marie-Laure Gardaz

Le 26 janvier 2022, notre rédaction faisait ses premiers pas sur la plateforme Tik Tok. Aujourd’hui, nous célébrons déjà plus de 15 millions de vues, et le fait d’avoir embarqué avec nous plus de 64 000 abonnés dans cette aventure éditoriale. Retour sur les coulisses de ce lancement. 

Pourquoi se lancer sur Tik Tok ?   

Depuis ses débuts il y a plus de 40 ans, Alternatives Economiques cherche à rendre l’économie accessible et compréhensible pour le plus grand nombre. Mais pour que cette vocation didactique ait vraiment un sens, il faut se faire connaitre là où le public (et notamment les plus jeunes) s’informe et ne pas attendre qu’ils viennent directement à nous, en marchand de journaux ou sur notre site. Et Tik Tok incarnait ce nouveau terrain de jeu où nous pouvions nous faire une place.   
   
Et pour se faire une place, il fallait arriver bien, vite, et taper fort. Arriver vite, pour profiter de la prime aux premiers arrivés. Et de fait, à notre lancement nous étions le premier média indépendant présent sur la plateforme. Tik Tok, de par son fonctionnement particulier par rapport aux autres réseaux sociaux, permet aussi de rivaliser en visibilité avec des gros comptes. L’occasion pour nous d’être en concurrence directe sur certains sujets avec des médias historiques déjà présents, comme Le Monde ou Le Figaro.   
   
Et lorsqu’on ne fait pas partie des gros, un projet comme ça s’apparente à une guérilla communicationnelle, plutôt qu’un quasi-passage obligé, comme c’est souvent le cas pour un gros média qui aurait les moyens de se lancer sur toutes les nouvelles plateformes, et avec une prise de risque minime. Nous, nous devons choisir et bien choisir les plateformes où nous décidons de nous investir pour ne pas multiplier des projets qui pourraient se terminer en impasses ou rater de bonnes opportunités : typiquement comme celle de se lancer sur Tik Tok. Nous n’avons pas le luxe de nous lancer tous azimuts sur l’ensemble des nouveautés : nous n’étions pas sur l’ensemble des plateformes par choix (Snapchat, Twitch, ou la production de podcasts). Et il ne fallait pas se lancer uniquement pour ne pas rater le nouveau réseau en vogue, ou y être seulement pour faire acte de présence.

3 raisons nous ont décidés :

  • Prime au premier arrivé ;
  • Pas de risque de cannibalisation avec nos autres contenus sur le site d’AlterEco, puisqu’ils ne sont disponibles que sur abonnement ;
  • Et le besoin de venir à la rencontre d’un public que l’on ne touche pas autrement, pour construire le socle de nos futurs abonnés.

Ce qui nous amène rapidement à poser clairement les conditions de notre lancement.   

Comment se lancer ?

Plus aucun doute sur notre volonté et notre intérêt à débarquer sur la plateforme. Nous voulons venir à la rencontre d’un public que l’on ne peut pas toucher autrement, un public jeune qui se trouve ainsi à notre portée. D’autant plus qu’en tant que média prescrit dans les lycées, la conquête de ce nouveau réseau était un défi parfait pour nous. Mais débarquer sur un nouveau réseau n’est jamais une chose aisée, et nous étions conscients que le phénomène viral de Tik Tok repose essentiellement sur le respect de codes créatifs propre à la plateforme. Pour ces raisons nous avons décidé qu’un recrutement d’un.e journaliste vidéo était nécessaire pour réaliser et incarner nos contenus.  

Nous avons donc proposé à Rudy Pupin de nous rejoindre. Pour le recruter nous avons émis une offre de poste de journaliste vidéo Tik Tok, avec la spécificité que nous souhaitions recruter un.e journaliste qui se dédierait exclusivement à la production de contenus pour cette plateforme. Nous demandions aux candidats un cas pratique : un Tik Tok d’une minute maximum sur le sujet de leur choix. L’aisance de Rudy dans cet exercice pratique pour lequel nous avions donné feuille blanche nous a immédiatement convaincu : Rudy maitrisait le fond, mais aussi la forme. En tant que créateur de contenus Tik Tok, il avait l’expérience de la mise en scène vidéo, et faisait déjà preuve d’inventivité. Nous avions notre homme !

Un projet impulsé par le service marketing 

Taper fort, c’est aussi débarquer sur la plateforme avec une identité claire. Notre  Tik Tok de lancement était anglé sur la concentration du paysage médiatique et comment nous faisons figure d’exception dans ce paysage avec un média détenu par ses salariés. Pour se lancer il faut savoir :

  • ce que l’on va raconter sur la plateforme ;
  • qui l’on va toucher ;
  • mais aussi quels indicateurs l’on va regarder, et de ce fait, avoir des objectifs en termes de rythme de publication, de vues, et de gains d’abonnés clairement définis au service marketing.

Car l’une des singularités de ce projet réside aussi dans notre modèle organisationnel, car ici c’est le service marketing qui a impulsé le projet et qui suit les indicateurs de réussite de ce nouveau canal de communication. Rudy est un journaliste au milieu du marketing et de la communication, et cette alliance somme toute un peu étrange au premier abord s’avère très efficace pour produire et réussir sur Tik Tok ! Pour mesurer notre succès sur ce réseau social, nous nous sommes attachés à regarder la croissance en termes d’abonnés à la chaîne. 30 000 abonnés au bout de trois mois notamment, le passage des dits “paliers” ainsi que des objectifs de vues sur l’ensemble des vidéos. Pour fixer ces objectifs, nous nous sommes basés sur la trajectoire des gros médias présents sur la plateforme, du Monde et du Parisien par exemple.  
 
Bien que cela puisse être surprenant de voir un service marketing recruter un journaliste pour un projet éditorial, ce lancement s’est parfaitement imbriqué dans le fonctionnement du service. Car il s’inscrit plus globalement dans une stratégie de gain de notoriété, et d’image de marque. Concrètement, nous faisons le constat de la disparition des filières éco et sociale au lycée, et de notre difficulté accrue à toucher ce public qui commence à nous échapper.

Des KPIs long terme : notoriété et abonnés étudiants

Bien que l’on assume que ce lancement sur Tik Tok soit une campagne de pure notoriété, décorrélée de nos campagnes de recrutement d’abonnés, on pourra tout de même s’attacher d’ici 2 ans à regarder la proportion d’abonnement étudiant dans notre base, et comprendre si cela peut être lié à notre succès sur Tik Tok. Nous ne faisons aucun lien ni comparaison entre le chiffres d’audience du site et ceux de Tik Tok : pas de calcul de taux de conversion ou d’idée de funnel : nous visons plus loin. Nos objectifs se définissent en taille de communauté puis en vues, que l’on réévalue au fur et à mesure. 

Aujourd’hui, en rythme de croisière, nous produisons trois vidéos par semaine. Rudy y aborde des sujets variés tant sur le fond que sur la forme, car faire du journalisme sur cette plateforme de divertissement c’est aussi être un petit réalisateur à sa propre échelle : script, tournage, montage, décors et mise en scène, toutes ces étapes sont nécessaires, et nous amènent parfois à illustrer des sujets avec des playmobils !  

Nos créations ne cessent de susciter des abonnements à notre chaîne, ainsi que des débats particulièrement intéressants au sein de notre communauté grandissante. De notre dépendance énergétique à la Russie en passant par la question de l’arme nucléaire, ou encore des démonstrations autour de l’inflation : les possibilités éditoriales sur ce réseau semblent pour l’instant inépuisables.  


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