En quoi, concrètement, les newsletters servent-elles les stratégies d’abonnement ? »
Cette question, soulevée par un lecteur, a attiré mon attention. Alors que les newsletters ne cessent de générer de l’intérêt et que l’on ne compte plus le nombre de contenus prodiguant des conseils pour les réussir, on prend pourtant rarement le temps de se poser la question de la valeur réelle de celles-ci. Et par valeur, je veux dire argent. Je pense aux revenus générés par vos lecteurs ; pas simplement à l’engagement généré ou à l’acquisition de trafic. Alors, les newsletters sont-elles vraiment utiles pour un modèle de revenu des lecteurs ?
Pour répondre à cette question, j’ai fait appel à différents experts en newsletter, travaillant soit comme consultants newsletter soit pour des éditeurs, comme Público en Espagne ou le Süddeutsche Zeitung en Allemagne.
Un objectif et un but définis
Je sais bien que, selon la technique du sablier théorisée par Eric Le Braz, je ne dois pas tout révéler avant le paywall, mais, pour faire simple, tous les experts s’accordent à dire que, oui, les newsletters sont extrêmement précieuses pour un modèle de revenu des lecteurs.
Cependant…
L’essentiel est de définir clairement l’objectif et le but de chaque newsletter.
Il n’existe pas d’approche unique. Vous devez adapter la newsletter aux lecteurs et à l’objectif que vous visez avec cette newsletter (que ce soit pour amener du trafic sur le site, augmenter la valeur vie des abonnés, promouvoir un événement, obtenir plus d’inscriptions, convertir des lecteurs en abonnés, ou pour des raisons commerciales). Si votre objectif est clair, vous pourrez alors vous assurer que tout dans la newsletter – de l’écriture à la conception, en passant par la programmation de cette dernière – est ajusté pour atteindre votre objectif.
Alastair Lewis, fondateur et PDG de Quested Consulting
Pour mettre le conseil d’Alastair en pratique, nous vous partageons comment João Pedro Pereira, rédacteur en chef de la newsletter et des projets digitaux de Público, s’y est pris avec son équipe pour concevoir leurs newsletters et mesurer la réussite de celles-ci.
Nous avons trois grands groupes de newsletters en fonction des objectifs : génération de trafic, engagement et reconnaissance de la marque, acquisition et rétention des abonnés. Dans certains cas, il peut y avoir des chevauchements, bien sûr – le nombre d’abonnés à la newsletter et les taux d’ouverture sont pertinents pour les trois groupes, par exemple.
Dans les newsletters axées sur le trafic, les taux de clic sont également très importants, tout comme le nombre de pages vues et la durée moyenne des visites générées par la newsletter.
L’acquisition ou la fidélisation des abonnés est beaucoup plus difficile à appréhender. Nous avons quelques newsletters réservées aux abonnés, et nous en évaluons leur succès grâce au nombre d’abonnements et aux taux d’ouverture (soit des mesures “traditionnelles”). Nous regardons également les liens sur lesquels les utilisateurs cliquent et vérifions si ces pages font partie du parcours utilisateur vers l’abonnement. Enfin, nous prenons également en compte des éléments moins quantifiables, comme le fait que les lecteurs des newsletters envoient des e-mails ou s’engagent d’une autre manière avec les journalistes qui les rédigent.
João Pedro Pereira, rédacteur en chef de la newsletter et des projets digitaux de Público
L’acquisition de trafic, la conversion des abonnements et la fidélisation sont les objectifs communs des newsletters.
Et les newsletters ont certainement amélioré les taux de rétention chez Público :
La consommation de newsletters tend à être corrélée avec un taux de désabonnement plus faible. Un abonné qui s’inscrit à une newsletter a tendance à être un abonné fidèle. Et, de manière très constante, les abonnés ont tendance à consommer beaucoup plus de newsletters. Évidemment, il est toujours possible de débattre de ce qui relève de la cause ou de l’effet. Je peux, en tout cas, vous dire que nos quatre newsletters hebdomadaires réservées aux abonnés ont un taux d’ouverture moyen proche de 40 %, ce qui, je pense, est un très bon chiffre pour tous les professionnels du secteur.
João Pedro Pereira
Que recommandent ces experts pour s’assurer que vous maximisez la valeur d’une newsletter dans un modèle de revenu des lecteurs ?
- Trouvez un équilibre entre frustration et engagement
- Augmentez la visibilité des produits premium
- Ciblez l’audience : développez un contenu « niche »
- Constituez une équipe dédiée à la newsletter
- Mettez en place une série de mails de bienvenue pour accueillir les nouveaux inscrits à la newsletter
- N’hésitez pas à utiliser le contenu de votre newsletter pour écrire des articles : « recycler »
Trouvez un équilibre entre frustration et engagement
Comme dans tout processus de conversion d’audience, il s’agit de trouver un bon équilibre entre frustration et engagement :
- L’engagement en permettant l’accès gratuit à un contenu de qualité, en offrant aux utilisateurs une valeur ajoutée qui correspond à leurs intérêts.
- Et juste assez de frustration générée par le blocage du contenu pour que l’utilisateur veuille s’abonner pour accéder à plus de votre contenu et de votre valeur.
Carmen Heger, Head of Data Science chez Süddeutsche Zeitung, décrit comment elle a utilisé la newsletter de SZ pour trouver cet équilibre et augmenter les taux de conversion des abonnements.
Un utilisateur commence par s’intéresser à un sujet spécifique et trouve une newsletter qui correspond à cet intérêt. En lisant régulièrement cette newsletter, il est exposé à différents types d’articles : certains sont gratuits, d’autres payants. À un moment donné, l’utilisateur peut être convaincu par l’offre du SZ et décider de souscrire à un abonnement payant. Le parcours n’est, bien sûr, pas toujours linéaire. Il est propre à l’utilisateur, mais il augmente progressivement son engagement, tout en laissant l’utilisateur frustré de ne pas avoir accès à toute la valeur de l’offre.
En gardant à l’esprit le parcours décrit ci-dessus, nous avons commencé à associer davantage de contenu payant dans nos newsletters lorsqu’il était pertinent. Ce processus semble facile, mais la question est de savoir où et dans quelle mesure ? Nous avons défini quelques critères : premièrement, il est judicieux d’inclure des sujets pour lesquels nous disposons d’un contenu exclusif suffisant et d’un journalisme de qualité, pour lesquels les abonnés sont susceptibles de payer. Deuxièmement, cela dépend du besoin de l’utilisateur qu’une newsletter vise à satisfaire – s’il s’agit plutôt d’actualités, le contenu payant joue un rôle moins important que s’il s’agit d’inspiration, d’éducation ou d’approfondissement d’un sujet. Pour certains sujets, nous avons même restructuré la newsletter de manière à ce qu’elle serve davantage à un article payant spécifique. L’article payant est alors au centre de cette newsletter, qui fonctionne comme une newsletter payante, à cela près que la newsletter en elle-même est gratuite mais que son contenu est centré autour du contenu payant.
Carmen Heger, Head of Data Science chez Süddeutsche Zeitung
Cette newsletter « payante » est rédigée et conçue pour ouvrir la voie vers un article payant. Le texte sert d’accroche pour attirer le lecteur vers le sujet et le convaincre de s’abonner pour pouvoir le lire.
Cette nouvelle stratégie a aidé l’éditeur allemand à passer de quelques conversions par semaine à une moyenne de 8% des conversions totales du paywall provenant des newsletters, ce qui signifie que les utilisateurs cliquent sur les articles payants dans les newsletters et décident ensuite de payer l’abonnement.
Augmentez la visibilité des produits premium
Pour Andy Griffiths, vétéran des newsletters, fondateur et rédacteur en chef de Champion Newsletters, le succès est lié à la visibilité de votre modèle payant.
Si le revenu du lecteur que vous recherchez est un abonnement, la répétition est, selon moi, le meilleur moyen pour l’obtenir. J’ai toujours travaillé sur la règle empirique selon laquelle les gens ont besoin de voir une publicité en moyenne 7 fois avant de répondre par une décision d’achat (s’ils sont des acheteurs en premier lieu). Vous devez demander au lecteur plusieurs fois s’il est prêt à payer, mais cela doit être fait judicieusement avec un bon équilibre dans la newsletter entre le contenu et la promotion, pour éviter de frustrer le lecteur. Un équilibre de 4 contenus pour 1 promotion est un bon point de départ, mais il se peut que vous puissiez promouvoir plus de contenus payants sans générer de lassitude, surtout si votre contenu gratuit est convaincant et qu’il répond à un besoin.
Andy Griffiths
Et cela a porté ses fruits pour Andy. Chez Green Star Media, qu’il a fondé et dirigé pendant 12 ans, 95 % des abonnements à six magazines sportifs provenaient de listes d’inscrits à des newsletters.
« Les destinataires recevaient du contenu gratuit provenant des magazines, personnalisé par le rédacteur en chef concerné, et étaient également régulièrement exposés aux mêmes offres d’abonnement. Au fil du temps, 5 à 10 % des inscrits dans une liste gratuite se sont convertis. »
Mon point de vue : construisez des parcours de conversion adaptés pour les abonnés à la newsletter
Bien entendu, vous devez tester et mesurer l’équilibre entre contenu gratuit et contenu payant dans votre newsletter. Mais vous pouvez également envisager de proposer quelques articles premium gratuitement aux abonnés de votre newsletter.
Comment ?
Dans votre outil de pawall, vous pouvez créer une exception afin de créer une expérience unique pour les utilisateurs provenant d’une source spécifique. Par exemple dans le Dashboard Poool, nos clients peuvent créer des walls spécifiques (ou absence de walls) en visant paramètre UTM_ particulier.
Par exemple, vous pouvez offrir aux personnes inscrites à votre newsletter un article premium gratuit par mois grâce à votre paramètre UTM_ qui supprime le paywall de ce contenu.
Exemple d’un parcours de conversion ciblé :
Pourquoi ?
La conversion est basée sur un échange de valeur. Pour qu’un utilisateur prenne part à cet échange, il doit évidemment comprendre la nature de cette valeur. En proposant un article premium gratuit (en échange de son inscription à la newsletter par exemple), vous lui permettrez de découvrir la valeur de votre offre d’abonnement, d’augmenter son engagement et sa propension à s’abonner à l’avenir.
Ciblez une tranche spécifique de votre audience
Ismael Nafria, professeur de journalisme et écrivain espagnol, souligne que les newsletters sont un format de niche et qu’il est ainsi plus intéressant de cibler une audience très spécifique :
L’utilisateur qui décide de s’inscrire à notre newsletter le fera, en grande partie, parce que le sujet l’intéresse, que ce soit pour des raisons personnelles ou professionnelles. La newsletter doit donc avoir un objectif clair, expliqué de manière simple, soit par un slogan, soit par une brève description – une proposition de valeur, indiquant aux utilisateurs pourquoi ils devraient s’abonner.
Ismael Nafria
Reach PLC, par exemple, a récemment annoncé que 9 de ses marques lanceraient une stratégie de newsletter. Les sujets de ces newsletters spécialisées varient, allant du football anglais à Bake Off, en passant par une newsletter LGBTQ+ et la télévision et le cinéma.
Selon Paul Rowland, directeur éditorial de Reach’s Live Network :
Notre secteur d’activité n’est pas les sites web, mais la communication et l’engagement des personnes. Nous savons que les newsletters sont un outil formidable pour développer des relations riches avec nos lecteurs les plus fidèles – surtout au niveau local – donc nous allons demander à une sélection de nos marques de presse de se concentrer sur un nombre plus restreint de contenus, les plus engageants, et le site web aura pour but de soutenir la production de la newsletter plutôt que l’inverse.
Les newsletters peuvent créer un groupe de lecteurs très engagés, rassemblés autour d’un intérêt spécifique. Libre ensuite aux éditeurs de cibler ces utilisateurs avec des messages personnalisés, et de les conduire progressivement à travers les étapes de conversion vers l’abonnement.
Constituez une équipe dédiée aux newsletters
La mise en place d’une équipe dédiée à la stratégie de newsletter, au sein d’un média, permet de mieux les monétiser.
Tandis que les rédacteurs mettent leur expertise au service du contenu, une petite équipe se concentre sur la stratégie, en ayant une vue d’ensemble des newsletters et en analysant les données pour conseiller la rédaction :
- Les sujets sont-ils redondants ?
- Existe-t-il des opportunités pour de nouvelles newsletters ?
- Comment les équipes peuvent-elles améliorer chaque newsletter ?
- Quelles sont les meilleures pratiques à mettre en œuvre ?
En bref, l’équipe chargée des newsletters devient experte en la matière, transmet les informations nécessaires à ses rédacteurs tout en leur permettant de se concentrer sur la production d’un contenu expert et de qualité, ce qui joue un rôle tout aussi important.
Mettez en place un parcours d’accueil dans la newsletter
Selon l’expert et consultant en newsletter, Dan Oshinsky, fondateur de The Inbox Collective, la mise en place d’une série de mails de bienvenue est l’une des meilleures choses que vous puissiez faire pour stimuler à la fois l’engagement des lecteurs et les revenus.
« Une bonne série de bienvenue a quelques objectifs clairs :
- Elle guide le lecteur dans les prochaines étapes de son parcours
- Elle stimule l’engagement dès le premier jour
- Elle améliore votre placement dans la boîte de réception : elle vous aide à atteindre systématiquement la boîte de réception principale
- Elle peut convertir les nouveaux lecteurs en abonnés payants »
Pour sa propre newsletter, Dan a élaboré un processus d’accueil en 5 étapes :
- L’email d’accueil : votre chance d’accueillir le nouvel abonné et de construire une relation. Dan pose même 2 questions pour établir une conversation, et 1 personne sur 5 y répond
- L’e-mail «Talking Head» : 2 ou 3 jours après l’inscription, vous vous présentez et expliquez pourquoi vous faites ce que vous faites
- (2 emails) les emails evergreen : vous partagez des liens vers certains de vos contenus les plus performants, toujours « d’actualité »
- L’e-mail de sondage : 30 à 60 jours après l’inscription, Dan recommande de prendre des nouvelles de vos nouveaux lecteurs, par exemple par le biais d’un sondage, mais veillez à ce qu’il soit court, personnel et facile à remplir
Une dernière remarque de Público sur l’optimisation de la valeur d’une newsletter : recyclez le contenu des newsletters
Pour les rédacteurs-en-chef qui pensent que vous gaspillez des ressources si vos journalistes talentueux écrivent des contenus exclusivement envoyés par mails : 1) ce n’est pas le cas, car ces newsletters peuvent attirer une audience plus importante (et de meilleure qualité) que si ces contenus étaient simplement publiés sur votre site web ; 2) si les newsletters sont bien faites, vous pouvez parfaitement utiliser ce contenu sur votre site web.