

Fondé en 2013, le média 100 % numérique Contexte s’est imposé comme une référence pour comprendre la fabrication des politiques publiques françaises et européennes. Depuis Paris et Bruxelles, ses journalistes décortiquent les coulisses législatives, les décisions réglementaires et les jeux d’influence qui façonnent nos lois. Si le succès de Contexte est salué par toute la profession, la construction de leurs offres d’abonnement reste, comme chez tous, un exercice difficile. Depuis 2 ans, son équipe planche sur le lancement de nouvelles offres. Entretien avec Sacha Cayre, CMO, qui revient sur la stratégie et les choix derrière ce projet.
Hello Sacha ! Vous venez d’annnoncer avoir lancé une nouvelle offre d’abonnement chez Contexte. Quand avez-vous entamé ce travail et pourquoi ?

Sacha Cayre : Le travail a commencé avant que j’arrive, en octobre 2023. La situation de départ, c’est que nous avions une offre unique, avec une grille tarifaire ultra personnalisée selon les types et tailles d’organisations. Ça allait de l’ONG sans salarié à Total ou au Parlement européen, avec des écarts de prix de 1 à 50.
Ce système n’était ni maintenable, ni stable. Cela devenait ingérable ! On s’est dit qu’il fallait qu’on range la chambre. Et pour aller au-delà de l’application d’une nouvelle grille tarifaire, il fallait aussi faire du packaging et donner un sens à ces offres.
Vous avez fait appel au cabinet Simon-Kucher pour vous accompagner dans cette transformation. Pourquoi eux ?
Quand je suis arrivé, on m’a dit : « Bon, maintenant, il faut que tu la mettes en place et que tu la lances. » Sauf qu’en creusant, je me suis rendu compte que ce n’était pas applicable. C’était un exercice trop financier, pas assez market. Il nous manquait une vraie histoire à raconter…
Comment avez-vous fait pour rendre l’offre plus intelligible ?
On a remis de la viande autour de l’os ! En fait, Contexte a toujours eu un produit super fort, mais on ne s’était jamais vraiment posé la question de comment on le packageait. On annonçait des prix et des fonctionnalités, mais il nous manquait le sens, la narration. On a alors bossé avec des méthodes de design thinking, nous avons construit des personas, et surtout, on a cherché à comprendre les usages réels de nos abonnés. Et là, on a vu qu’il y avait des « gaps » d’usage énormes…
Quels sont ces « gaps » d’usage dont tu parles ?
On a d’abord réalisé un truc un peu dingue : 60 % de nos abonnés lisaient les briefings chaque semaine, mais seulement 4 % allaient voir les autres contenus !
Pour résumer, les gens achetaient le briefing, alors qu’on produit plein d’infos ultra quali derrière, qui n’étaient presque pas consommées. Alors que ceux qui creusaient plus loin, ils adoraient ! Donc, on s’est dit qu’il fallait absolument recréer du lien, leur donner envie d’aller plus loin. C’est là qu’est née l’idée du briefing augmenté : tu lis ton briefing habituel, et si tu veux creuser, hop, t’as une version enrichie avec des liens vers le reste.
Et à côté de ça, vous avez aussi lancé d’autres services ?
Oui ! On a créé l’annuaire des députés, qui permet de trouver un député, voir tous les amendements qu’il a déposés, et suivre leur évolution. Pour les lobbyistes, c’est une pépite. Et on a aussi lancé les comptes rendus IA : au lieu de devoir visionner trois heures de vidéo d’une commission parlementaire, l’IA te fait une retranscription et identifie directement les moments où on parle de ton sujet. Là, tu passes de deux heures à dix minutes. C’est un game-changer pour tous les professionnels…
Tout ça, c’est inclus dans l’abonnement de base ?
Alors non, on a structuré tout ça en trois offres : Essentiel, Avancé et Intégral. Le briefing augmenté et l’annuaire des députés, tout le monde y a accès. Si tu veux des alertes sur mots-clés et amendements, c’est dans Avancé. Et les comptes rendus IA, c’est dans l’offre Intégral.
Avez-vous avez supprimé certaines fonctionnalités ?
On s’est effectivement posé plein de questions, notamment sur l’agenda des événements. C’était pas mal pour l’offre essentielle mais qu’il fallait surement lui apporter plus de valeur pour qu’elle soit attractive en Avancé. Vu nos priorités du moment, on a préféré mettre en pause ce « retravail ».
Et sur les prix, qu’est-ce qui a changé ?
On a tout revu, y compris pour les abonnés existants ! Le rééquilibrage est vraiment complet : plus de valeur pour les gros comptes et un maximum d’accessibilité pour les plus petits. Cette philosophie de pricing est au coeur de notre mission ou on essaie de ne pas garder nos infos qu’aux gros acteurs qui ont les moyens.
Comment la rédaction a-t-elle été intégrée au projet ?
Au départ, on doit admettre que tout le monde bossait un peu en silo. Ce que j’ai voulu pousser, c’est un rapprochement : il faut qu’on construise ensemble, sinon nos utilisateurs ne feront pas le lien non plus. Pour adresser un retravail si profond de notre offre, on a du passer pas mal de temps avec tous les départements (produit, tech, sales et redac) pour vraiment construire une proposition qui allait à tous le monde. La redac est systématiquement intégré sur l’élaboration des nouveaux produits ou les nouvelles éditions. Ça change tout.
De l’extérieur, on peut avoir le sentiment que votre croissance est davantage pilotée pour l’augmentation du panier moyen, que par l’augmentation du nombre d’organisations clientes. Est-ce le cas ?
Ah non, ce n’est pas du tout le cas, on veut vraiment augmenter les deux en même temps ! Nous avions 1200 clients en 2023, 1400 fin 2024 et fin Q1 2025 nous sommes à 1600. Dans le même temps, c’est vrai, notre panier moyen a augmenté de 1000 euros, pour atteindre environ 7500€ par an. On a l’avantage d’avoir un produit très fort et une croissance totalement insolente. Cela fait quatre ans qu’on fait une croissance entre 30 et 40%. L’année dernière, on fait une croissance vraiment pas terrible… à 25 %.
Et l’international, c’est une réponse à Politico qui arrive en France ?
Pas du tout ! Nous sommes à Bruxelles depuis douze ans, nous avons déjà la plus grosse rédaction francophone sur place, cette double-culture est présente chez nous depuis longtemps. L’étape d’après, c’était donc bien d’avoir cette double-culture d’un point de vue business, en adressant tout le marché européen. Aujourd’hui, on ne regarde pas encore la logique de localiser nos marchés. On veut juste structurer un vrai produit EU avec des verticales pertinentes. On commence avec Énergie, mais on regarde aussi d’autres sujets… dont je ne peux pas encore parler !
Si tu devais donner un conseil aux médias qui veulent repenser leur offre d’abonnement ?
Arrêtez de voir ça comme un simple sujet de pricing ! Il faut construire une vraie proposition de valeur, partir des usages réels, et surtout, raconter une histoire claire. Parce que si t’annonces juste un prix et des fonctionnalités… personne n’achètera vraiment l’idée derrière !