

Nous nous rencontrons dans un café bruyant du 15ème arrondissement de Paris, un vendredi froid de novembre, il est tôt le matin. Nous sommes là car j'ai proposé à Bérénice Lajouanie, Directrice Générale du quotidien Les Echos, de me raconter l'envers du décor de leur dernier projet de conquête d'audiences. Accompagnée de sa directrice numérique, Violaine Degas, les deux patronnes ont accepté cette série d'interviews croisées. Mon idée : faire raconter aux big boss le contexte business et la vision à l'origine d'un gros projet numérique, et écouter la ou le manager opérationnel(le) retracer son déroulé concret. Nous sommes enfin toutes installées autour de la table, les cafés sont servis, les carnets sortis. On peut y aller...
Nous sommes enfin toutes installées autour de la table, les cafés sont servis, les carnets sortis. On peut y aller.
Bérénice, merci d’avoir accepté de raconter à The Audiencers ce qui a occupé vos derniers mois. Tu pilotes donc le quotidien économique Les Echos, dont les déclinaisons numériques se portent plutôt bien ! Vos audiences se maintiennent à un niveau très élevé…
…et vous êtes en 3ème position des sites économiques français au classement ACPM, avec 25 millions de visites en octobre 2023, loin devant vos challengers, et très proche des 2 premiers qui proposent moins, voire pas du tout d’articles premium fermés aux non-abonnés
Pourquoi vous êtes-vous dit qu’il fallait aller chercher de nouvelles audiences ?
Bérénice, Directrice Générale : C’est vrai que quand on nous lit, on plaît. Une fois que l’on a réussi à capter un lecteur, on le garde ! Nous avons deux types d’abonnements : les abonnés individuels (qui paient eux-mêmes), et les abonnements BtoB quand une entreprise abonne ses salariés.
Par contre, on constate une difficulté à la conquête de nouveaux lecteurs. Il y a frein d’image, un peu « le journal du CAC 40 », et puis peut-être aussi parce qu’on a un positionnement un peu généraliste, un peu spécialiste…
La forme de notre tunnel de conversion – lié à notre positionnement de marque Premium relativement niche -, est similaire à une « fine » coupe de champagne. Notre projet de conquête d’audience c’est de passer de la coupe de champagne au martini drink !
Et aller chercher des publics qui sont moins évidents pour nous : les jeunes, les femmes mais aussi les entreprises de certains secteurs, sous-représentés dans notre portefeuille BtoB.
Comment avez-vous défini vos cibles de conquête ?
Bérénice : D’abord, en réétudiant le profil de notre lectorat actuel. On est à deux tiers d’hommes pour un tiers de femmes, avec une moyenne d’âge à 50 ans. Il est donc assez vite apparu que nous avions besoin d’intéresser des jeunes et des femmes !
Violaine, Directrice numérique : Pour les « jeunes », c’est une cible qui nous tient particulièrement à cœur car il y va de la préparation de notre futur en matière de lectorat et d’abonnement.
Nous avons travaillé avec l’agence Demain, coordonnée par notre éditrice Marie Van de Voorde. On a mis tout ce qu’on savait sur notre lectorat dans un Excel, en interrogeant nos équipes en interne, et puis avec cette agence on a organisé des entretiens qualis avec nos abonnés pour créer notre galerie de personas.
Notre jeune lecteur, qui n’a pas le profil type de n’importe quel jeune, a entre 20 et 30 ans, il suit ou a fait des études supérieures et pourrait être qualifié de « Jeune talent » ou « Futur cadre/expert ». Ce sont ceux qui contribueront à transformer le monde de l’entreprise demain.
Bérénice : d’un point de vue stratégique, on a réinvesti dans les études. On était depuis des années très concentrés sur nos analytics web. Et là on s’est redonné les moyens d’avoir du quali, de réécouter la voix des lecteurs. On a beaucoup d’études en cours.
Violaine : ce que ça nous a permis, je trouve, c’est de faire ressortir l’insight, le côté irrationnel de la demande. Quelque chose qu’évidemment, nous n’allions pas trouver dans nos analytics…
Sur la cible jeunes, on a trouvé plein de choses déjà dites partout : ils sont assez loin de l’information, ils la considèrent anxiogène, ils s’informent sur les réseaux sociaux avec des formats audiovisuels. Quand ils sont abonnés aux Echos, on voit qu’ils ont une consommation irrégulière. On les voit plus proches des Echos START, notre offre éditoriale pour les jeunes actifs, qui fonctionne bien pour eux. Ils trouvent ça plus...