

Anthony Capon est directeur produit des plateformes numériques de RMC et BFM. Il revient ici sur un projet emblématique lancé en mars 2024 : le développement, en interne, d’un feed vidéo vertical sur leurs plateformes. Un format pensé pour répondre à trois enjeux structurants pour le groupe : engager davantage les utilisateurs, attirer une audience plus jeune, et créer de nouvelles opportunités de monétisation.
Pour BFM, marque et plateforme d’information des plus consommées en France, la vidéo est un actif stratégique, c’est un savoir-faire et un avantage concurrentiel. Elle est d’autant plus importante dans un écosystème où l’enjeu du moment est d’engager et de fidéliser encore plus nos audiences sur nos propres plateformes.
Il nous paraissait assez naturel de développer ce format sous toutes ses déclinaisons en fonction des cycles de l’information, des audiences et des environnements de consommation.
Sur nos plateformes, on sentait qu’il manquait un format capable à la fois de booster l’engagement, d’attirer une audience plus jeune, et de servir notre stratégie business.
La vidéo verticale, c’était l’évidence :
- Un historique chez nous car nous avons lancé le live vidéo de BFMTV en vertical il y a quelques années
- Une production déjà très importante pour BFM, qui alimente un usage fortement présent chez nos audiences les plus actives sur les réseaux sociaux (notamment Instagram, TikTok et YouTube)
- Un bon levier de branding pour nos rédactions et nos marques, sans oublier l’opportunité de monétisation via la publicité…
Mais entre l’idée évoquée dans une réunion avec la rédac et le moment où tu scrolles ton premier feed dans l’app, il y a un monde.
Reproduire le scroll addictif : les coulisses de la création d’une version faite maison
Pour les équipes Produit & Tech, notre point de départ était assez simple : comment reproduire le réflexe du swipe qu’on a tous sur Instagram ou TikTok… mais sur notre player propriétaire, avec nos contraintes, nos contenus, notre UX ?
Avant d’écrire une ligne de code, on a lancé une phase de discovery rapide mais efficace (une pensée aux adeptes du ProductROI) car on savait où on allait.
Objectif : au-delà du benchmark très fourni (notamment chez nos confrères US), on s’est demandé comment comprendre les mécaniques des formats verticaux qui captent tant l’attention — et comment les adapter à notre contexte éditorial et technique.
Forcément, on y a aussi ajouté des analyses des usages vidéos actuels sur nos formats (thématiques et formats vidéos qui fonctionnent, taux de complétion sur nos formats vidéo Live ou VOD, durée moyenne de session sur les formats vidéos, etc.).
Cette phase nous a permis d’identifier rapidement ce qui “accroche” : la fluidité du scroll, la lecture instantanée des vidéos, l’absence de frictions fonctionnelles.
À partir de là, on a très vite lancé la définition et validation des user flow puis des premiers design.
En parallèle de ces avancées UX/UI, il nous restait toujours le chantier le plus compliqué : le player…
Côté dev, ça a été sport.
Notre player vidéo, exploité à la base pour des usages 16/9 n’était clairement pas prêt pour encaisser un scroll vertical rapide, fluide et sans friction. Il a fallu soulever le capot et travailler sur quelques développements clés : le pré-chargement des vidéos (critique pour l’expérience, surtout en 4G ou en zone grise), les transitions entre vidéos, les gestes natifs etc.

Le préchargement a été particulièrement complexe, nos devs ont dû ruser pour arriver à une expérience vraiment fluide. Et tout ça avec notre player, qui n’est pas le plus souple à manipuler, mais qui porte énormément de choses (analytics, pub etc.).
Résultat : une vraie prouesse de notre équipe tech interne qui a réussi à faire tourner ce nouveau format aussi bien sur web que sur app, malgré toutes les contraintes (notamment celles d’iOS et Android). Grosse phase de QA derrière pour s’assurer que ça passe partout — vieil Android comme iPhone récent — sans glitch ni lag.
*glitch: anomalie visuelle pouvant se présenter de plusieurs façons, dans le cas présent lors du scroll dans le feed vertical ou à la lecture d’une vidéo. Exemple : défilement incontrôlé du feed, lecture d’une vidéo saccadé, désynchronisation de l’audio et de la vidéo etc.
Derrière le feed : notre routine pour produire, éditer, publier chaque jour
Une fois le feed en place, encore fallait-il l’alimenter. Et pas à moitié !
Notre flux repose aujourd’hui sur une chaîne bien structurée :
- Les vidéos verticales sont montées sous Adobe Premiere ou “découpées” depuis le live vertical de BFM (présent dans l’application BFM, dans la page du « DIRECT VIDEO)
- Titrées, taguées puis envoyées via Wildmoka…

- puis envoyées dans notre CMS maison Cléo (ainsi que sur les plateformes sociales) ****pour que nos rédactions puissent les éditorialiser, hiérarchiser, et ajuster la temporalité de publication.
Le tout repose sur une logique de curation “chaude” : les actus du jour, les formats clés des émissions, des contenus plus “froids” avec un pas de côté vs l’actualité…
“Penser ROI Day 1” : ce qu’on a mis en place pour monétiser sans dégrader l’expérience
L’une des choses que l’on a bien faites, c’est d’avoir intégré la monétisation dès la conception et la réflexion avec toutes les parties prenantes, avec toujours la même vision : développer et maîtriser en interne l’architecture et la structure technique/publicitaire de nos produits.
Aujourd’hui, le feed peut accueillir :
- des formats sponsorisés (éditos natifs ou capsules habillées),
- des OPS sur mesure,
- des formats de monétisation vidéo plus “classiques” (en cours de déploiement sur web et apps)
On a mis en place un système de règles défini conjointement avec notre régie et piloté côté éditeur : fréquence d’apparition, durée max, contexte d’affichage.
Et surtout, on a intégré la même logique que pour les vidéos : le pré-chargement des publicités pour éviter les latences et ne pas “casser” le scroll utilisateur. Pas parfait à 100%, mais on s’en rapproche…
Le résultat : une nouvelle offre avec du potentiel et, on espère, de super KPIs pour notre régie, des formats publicitaires intégrés proprement et n’affectant pas l’expérience utilisateur.
18 mois plus tard : ce que l’on a appris
Cette offre a été lancée en mars 2024 et on est très content des chiffres et usages atteints.
Pour en partager quelques-uns :
- En moyenne, le feed vertical génère 2,5 M de vidéos vues par mois
- Sur chaque initialisation du feed vertical, on observe en moyenne 7 à 10 vidéos vues
- Un temps passé en hausse constante et répondant aussi aux enjeux business
Mais on sait qu’on peut aller encore plus loin, c’est important de partager aussi ce qu’on aurait dû mieux faire ou ce que l’on doit continuer de travailler :
- Développer notre “go to market” : travailler la notoriété et la compréhension de cette nouvelle offre auprès de nos utilisateurs, notamment in-app (trop discrète aujourd’hui, le slider de vidéos verticales est situé au milieu de la HP).
- Le travail avec nos rédactions autour de la curation et de l’offre éditoriale, qui pourra passer à l’avenir par des “capsules originales”, des collections thématiques ou autres comme on a pu le voir plutôt chez des confrères américains (notamment au Washington Post et CNN durant les élections US).
- L’étendre plus largement aux autres marques du groupe, car le potentiel est important : le player vertical est déjà disponible sur nos sites et applications BFM Business, RMC et RMC Sport, mais l’offre reste à structurer.
Aligner produit, tech et édito : notre méthode
Au-delà des KPIs, c’est l’alignement produit, tech, édito et business dès le départ qui a fait la différence. Voici comment on s’est y pris en terme d’orgnisation :
- Une équipe pilote, resserrée (5 personnes), avec un·e référent·e par métiers : PM, lead dev, lead édito, sponsor business (AdTech), et un profil Marketing (sur les sujets de mesure et de marketing de l’offre).
- Rituels clairs : point hebdo structuré (avancées, blocages, arbitrages, validations), + ateliers en parallèle sur les expertises métiers (Discovery Produit, Design UX/UI, Edito, Monétisation etc.).
- Pilotage partagé :
- Le PM cadrait la roadmap, les enjeux et la coordination.
- Le lead tech intervenait dès la conception pour faire les bons choix tech au service des autres enjeux
- L’édito travaillait à la pertinence de la sélection de vidéos disponibles dans le feed + s’assurait de la qualité/réactivité/agilité des outils back pour faire sa curation/éditorialisation.
- Le business apportait les insights commerciaux et les enjeux de monétisation sur le volet tech (KPI de visibilité, UX Pub etc.)